Home Page Fiction and Poetry
Essays and Reviews
Art and Style
World and Politics
Montreal
Archive
 

***

LES NOUVEAUX CAVALIERS DE L'APOCALYPSE

***

par Jean-Pierre Filiu

***

The Montréal Review, Mars 2012

***

«L' Apocalypse dans l'Islam» par Jean-Pierre Filiu (Fayard, 2008)

"Apocalypse in Islam" by Jean-Pierre Filiu (University of California Press, 2012)

***

"This is an outstanding study of Islamic ideas about the end of the world. . . . An important work for students not just of Islam but also of religion, politics, and popular culture in general."- Choice

"Apocalypse in Islam makes a crucially important contribution to our understanding of current events - it illuminates not just one but a cluster of closely-related blind-spots in our current thinking, and it does so with scholarship and verve."- Jihadology

***

| MORE

***

Depuis que Mahmoud Ahmadinejad a été élu président de la République islamique d'Iran, en juin 2005, ses provocations fort peu diplomatiques ont défrayé la chronique internationale. Sa volonté d'effacer Israël de la carte du monde ou son encouragement au programme nucléaire ont nourri les angoisses légitimes et les spéculations stratégiques.

En Iran même, la vraie rupture introduite par Ahmadinejad fut l'accession d'un non-religieux à la présidence de la République, après l'hodjatoleslam Rafsandjani et l'ayatollah Khatami, même si le pouvoir suprême demeure aux mains du « Guide de la Révolution », l'ayatollah Khameneï, digne successeur à ce titre de son maître Khomeyni, décédé en 1989.

Ahmadinejad n'a pas seulement promu d'anciens gardiens de la Révolution, souvent des vétérans, comme lui, de l'effroyable guerre menée contre l'Irak, de 1980 à 1988. Il a aussi libéré l'expression publique d'un courant messianique, jusqu'alors contenu par les tenants de l'orthodoxie chiite, aux yeux de qui « l'imam caché », le Mahdi, entré en occultation depuis plus de dix siècles, ne reviendra qu'à la fin des temps.

Ahmadinejad a pris le contre-pied de cet attentisme clérical pour faire preuve d'un véritable volontarisme eschatologique. Maire de Téhéran, n'avait-il pas déjà élargi certaines avenues pour que le Mahdi puisse pénétrer sans encombre dans la capitale ? Devenu président, il a alloué des fonds considérables à l'embellissement du sanctuaire de Jamkaran, où la superstition populaire situe le lieu d'occultation du Mahdi.

Lorsque le président iranien s'est exprimé à l'Assemblée générale de l'ONU, en septembre 2005, il a confié à ses proches que la lumière du Mahdi le nimbait et l'inspirait lors de son discours. Les manifestants qui protestent, lors de la « Révolution verte » de juin 2009, contre la fraude ayant entaché la réélection d'Ahmadinejad, apostrophent dès lors le chef de l'Etat : « Toi qui as vu la lumière (du Mahdi), comment n'as-tu pas vu notre vote ? »

La dimension messianique n'est pas la moins importante dans la tension qui oppose désormais, au sommet de la République islamique, les partisans d'Ahmadinejad, volontiers millénaristes, à ceux de Khameneï, inquiets des dérives de ce populisme eschatologique. L'ayatollah Khomeyni, très représentatif des préventions des clercs à l'encontre des emballements messianiques, avait joué de ce registre pour alimenter la vague révolutionnaire contre le Shah, mais refermé cette boîte de Pandore dès l'instauration de la République islamique en 1979.

C'est aussi en 1979 que La Mecque fut ensanglantée par une insurrection messianique, déclenchée par les partisans, cette fois sunnites, d'un « Mahdi » auto-proclamé. Ces rebelles de la fin des temps avaient choisi pour lancer leur mouvement, non seulement le sanctuaire le plus sacré de l'Islam, mais aussi le premier jour du XVème siècle du calendrier de l'Hégire. Après plusieurs semaines d'un siège meurtrier, où le supposé « Mahdi » perdit la vie, les révoltés furent écrasés et les survivants décapités.

Ce bain de sang sacrilège a pour longtemps inhibé les pulsions messianiques dans le monde sunnite. Le concept d'« apocalypse », qui signifie littéralement en grec la « révélation », correspond en Islam à tout un corpus de traditions liées à la « fin des temps » ou à « l'Heure » (dernière). Ces traditions ont été forgées à l'aube de l'Islam, elles portent la marque de la « discorde » ( fitna ) entre les descendants du Prophète Mohammed, ou elles reflètent l'angoisse face au déferlement des Byzantins, les « Roum » (à ne pas confondre avec les « Romains »).

Sunnisme et chiisme ont ensuite divergé pour élaborer chacun leur propre récit eschatologique. Le Mahdi (soit le « bien-dirigé ») est le grand justicier d'une fin des temps qui marquera le triomphe de l'Islam. Il est identifié dans le chiisme avec le douzième et dernier des Imams, occulté en Irak depuis 941, « l'Imam caché » dont les ayatollahs interprètent les desseins auprès des fidèles.

En revanche, dans le sunnisme, le Mahdi, chef des armées musulmanes, obéit à Jésus (Issa), l'avant-dernier prophète de l'Islam, dont le retour marquera le début du compte à rebours apocalyptique. Le faux-prophète de la fin des temps est le Dajjal, littéralement le « Menteur », mais ce terme est traduit dans les langues occidentales par « Antéchrist », du fait du duel à mort entre ce personnage et Jésus.

Toute une sous-culture de littérature apocalyptique s'est développée ces dernières décennies dans le monde musulman, avec importation massive, par des auteurs sans formation religieuse, de thématiques évangélistes, de théories de la conspiration ou de bricolage ufologique. La dimension anticléricale de ces best-sellers de la fin des temps est évidente et elle correspond à une crise dans le processus de transmission des normes et de la légitimité islamiques.

La vague révolutionnaire qui traverse le monde arabe a cependant remis le réel au cour de la mobilisation populaire. Les insurgés libyens, qui accusaient initialement Qaddafi d'être le « Dajjal », mettaient en cause les « mensonges » de la propagande officielle et ils ont vite abandonné cet argument polémique. C'est par contre un commentateur de Fox News qui a cru, en février 2011, voir un des cavaliers de l'Apocalypse sur la place Tahrir.

De même que Glenn Beck a consacré un programme spécifique au Mahdi, les partisans d'Ahmadinejad relaient avec énergie les prédictions catastrophistes des télévangélistes. Les fourriers de la fin des temps se rejoignent aussi dans un antisémitisme militant, puisque le seul point commun de leurs funestes scénarios est la disparition du peuple juif, par extermination ou par conversion.

Gardons nous donc des illusions d'optique de cette Apocalypse en miroirs, où les fanatiques des deux camps renforcent leur propagande mortifère.

***

Jean-Pierre Filiu is professor of Middle East studies at Sciences Po, Paris School of International Affairs (PSIA). His « Apocalypse in Islam » (University of California Press) was awarded the main prize by the French History Convention.

***

"Apocalypse in Islam" is an eye-opening exploration of a troubling phenomenon: the fast-growing belief in Muslim countries that the end of the world is at hand-and with it the "Great Battle," prophesied by both Sunni and Shi`i tradition, which many believers expect will begin in the Afghan-Pakistani borderlands. Jean-Pierre Filiu uncovers the role of apocalypse in Islam over the centuries, and highlights its extraordinary resurgence in recent decades. Identifying 1979 as a decisive year in the rise of contemporary millenarian speculation, he stresses the ease with which subsequent events in the Middle East have been incorporated into the intellectual universe of apocalyptic propagandists. Filiu also shows how Christian and Jewish visions of the Final Judgment have stimulated alarmist reaction in Islamic lands, both in the past and today, and examines the widespread fear of Christian Zionist domination as an impetus to jihad. Though the overwhelming majority of Muslims remains unpersuaded, the mounting conviction in the imminence of apocalypse is a serious matter, especially for those who are preparing for it.

University of California Press

***

 
pdf
Submissions Guide
Letters to the Editor
The Montreal Review Twitter
newsletter
RSS
All featured book titles
 
home | past issues | world & politics | essays | art and style | fiction and poetry |
Copyright © 2013, T.S. Tsonchev Publishing & Design, Canada. All rights reserved. ISSN 1920-2911
about | contact us | copyright | user agreement | privacy policy